Et voilà, encore un et pas n’importe lequel, car en ce début des
années 1970, la ville alors sous conseil du parti de l’Istiqlal prit la sage décision d’édifier là de simples
bancs d’un ciment brut et gris, sans grand frais. Des bancs assez raides et
austères qui pourtant comptaient de nombreux amants adeptes de pleine lune. Et
surtout, où par ces nuits d’été, quand la canicule et les vents chauds
baignent une ville devenue presque
invisible. Hier encore à cette place, c’était un beau peuplier blanc (sefsaf
lbied ou sefsaf amellal) qui se parait au printemps venu d’un épais feuillage
vert sombre avec un dessous de feuilles couvert d’un léger duvet blanc velouté. Son
tronc noueux portait les promesses de
plusieurs générations de couples qui ont laissé là des stigmates gravées dans
son écorce, des initiales et des cœurs en signe de leur passion. Toujours
debout, mais bien mort, l’ultime platane semble avoir été frappé par la foudre,
il n’a pas fleuri ce printemps et ses feuilles ne brilleront plus de mille feux
à l’approche de l’automne.
C’était là aussi où au début de chaque printemps des passionnés
dans un silence de temple attendaient la venue du rossignol, déclarée par un
récital dès le crépuscule et c’est sous le charme de sa mélodie qu’on admirait
un soleil tout en flamme quitter la plaine. En contrebas, la vallée Tamegnounte
toute verdoyante continue tant bien que mal à faire la renommée de Béni Mellal.
Et c’est ici que plus d’un siècle auparavant, au mois de septembre 1883 un
certains Charles de Foucault envouté par
le site croqua pour l’éternité la tour du minaret du Saint protecteur de la
cité Sidi Ahmed Essomai. Tout en admirant la plaine du Tadla qu’il qualifia
alors d’immense mer.
Notre bel arbre est aussi connu pour être un bon fixateur des
berges, d’ailleurs le petit ruisseau en contrebas prendrait le nom d’Iméryene
en mémoire des mérinides sur le territoire ou pour les doux rêveurs son nom
renverrait tout béatement vers le reflet d’un miroir des nuits de pleine lune.
Fini les palabres, Béni Mellal alors pourrait encore s’élevait à la
classification de ville fleurie ou encore aspirer à la prétention de ville verte, combien de temps encore pour
avoir conscience et prendre des
décisions pour la sauvegarde de ce patrimoine que sont nos espaces verts ?
SALAH Philippe
SALAH Philippe